Kirian

1977
Un cri résonne dans la nuit. Ce simple cri est bientôt suivi par d'autres, de plus en plus fréquents, de plus en plus forts, jusqu'à aboutir à un ultime cri, un cri d'une douleur intense, mais en même temps de délivrance. Et alors que le silence commence à s'installer, de nouveaux cris se font entendre. Mais pas de la même personne. Non, c'est une nouvelle vie qui annonce sa venue par ses cris sans fin. Car en cette nuit noire, au cœur d'une ville sans grande importance d'Allemagne est né Kirian, fils d'une prostitué et d'un inconnu.

Ses premières années il les passe en compagnie des différentes filles qui travaillent avec sa mère, chacune s'occupant du petit bout de chou lorsqu'elles n'ont pas de client. Kirian est considéré comme l'enfant de toutes, l'enfant qu'elles auraient voulu avoir si elles l'avaient pu. Malgré son apparence un peu étrange, toutes l'aiment comme un fils, et malgré le métier qu'elles exercent et l'endroit où ils vivent, Kirian n'est pas vraiment malheureux. Dès sa naissance il est plongé dans un univers que beaucoup considèrent comme dégradant, humiliant et tant de choses encore. Bien sûr le jeune Kirian qui n'est qu'un nourrisson ne comprends pas encore ce qui se passe autour de lui. Tout ce qu'il sait c'est qu'au lieu d'une mère, il en a plusieurs, toutes l'aimant à leur façon, et c'est tout ce qu'il recherche.

En grandissant Kirian comprend le métier de ses mères, il les aident même parfois à se préparer, les aidant à choisir les plus belles robes, les meilleurs parfums. Puis lorsqu'il est en âge de s'occuper de ce genre de chose, il commence à faire quelques tâches ménagères, méritant sa place dans cet établissement où les inutiles ne font pas long feu. Car même si toutes les femmes l'aiment comme leur fils, le propriétaire de la maison close, lui n'est pas du même avis. Il n'a gardé l'enfant que pour ne pas avoir de problèmes avec ses 'travailleuses', mais le petit Kirian une fois en âge doit mériter sa nourriture et son toît. C'est donc ainsi que l'enfant se met au travail, se faisant alors connaître des clients qui s'étonnent de voir un enfant dans un tel lieu.

1987
Kirian a maintenant 10 ans et ne connaît pas d'autre vie que celle qu'il a depuis toujours. Il s'occupe des tâches ménagères, aide toujours ses mères, et se tient à carreau en présence du propriétaire. Celui-ci ne lui a jamais rien fait, mais on ne peut pas dire qu'ils s'aiment tout les deux. Kirian n'aime pas la façon dont il traîte ses employées, et l'homme ne supporte pas le regard de l'enfant sur lui. A vrai dire, mis à part ses mères avec qui il est toujours un ange, peu sont ceux qui supportent pleinement la présence du garçon. Son apparence - héritée de son père - en rend plus d'un mal à l'aise et son regard peut devenir aussi froid que le glace dès qu'il n'est plus en compagnie de l'une de ses mères. Il faut dire aussi qu'il n'apprécie pas vraiment le métier qu'elles exercent et que chaque personne qu'il croise dans cette maison n'est venue que pour une chose: passer la soirée en compagnie d'une des hôtesses, l'une de ses mères.

1992
L'enfant a bien grandit et est devenu un beau garçon de 15 ans, et même si certains trouvent toujours son aspect étrange, nombreux sont ceux qui succombent à son charme. Même si Kirian ne s'en rend pas forcément compte, les regards qui se posent sur lui sont de plus en plus appréciateurs, qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes. L'adolescent possède comme une certaine grâce féminine - sûrement dû au fait de n'avoir été entouré que de femmes depuis sa naissance - qui attire, quelque soit le sexe de la personne. Kirian, lui n'y prête guère attention, jusqu'à ce qu'un certain évènement chamboule son univers, jusque la si bien réglé. Peu après ses 15 ans, l'établissement accueille un nouveau client, jusqu'ici cela n'a rien d'inhabituel, les clients allant et venant selon leur envies. Mais ce qui est inhabituel c'est sa requête. L'homme ne veut pas que l'une de ses mère 's'occupe ' de lui pour la soirée, non, il désire la compagnie du jeune garçon et est prêt à offrir une somme substantielle pour cela. Bien sûr, dès que la question de l'argent est mise en jeu, le propriétaire des lieux ne peut refuser la somme proposée, une somme bien plus conséquente que les tarifs de ses meilleures filles, et envoie Kirian prendre soin de son hôte, âgé de près de 10 ans de plus que l'adolescent.

Et c'est ainsi que malgré ses protestations et celles de ses mères, Kirian est vendu pour une nuit à cet étranger. La nuit n'a rien d'agréable pour l'adolescent qui refuse de se prêter au jeu. Mais la force d'un adolescent n'est pas celle d'un homme et celui-ci le soumet de force, pas le moins attendrit par ses cris, ni plus tard par ses pleurs. Le lendemain matin trouve un Kirian endormi à force de pleurs dans un lit vide, le corps battu et souillé. Heureusement pour lui, il a ses mères pour le réconforter du mieux qu'elles peuvent et même si cela ne suffit pas pour effacer la douleur, cela l'atténue au moins un peu. Et grâce à ça, il peut se dire que peut-être, oui peut-être que ce n'était qu'un cauchemar, qu'il n'a pas été sali de la pire façon possible, que les marques sur son corps ne viennent pas de cet homme, mais d'une simple bagarre, après tout cela ne serait pas la première fois qu'il se bagarrerait avec des enfants du quartier.

Au bout d'un certain temps, les bleus disparaissent et avec eux, les souvenirs de cette nuit, car après tout, s'il n'y a plus de marque c'est encore plus facile de se dire que ce n'était qu'un cauchemar. Ses mères se rendent bien compte de ce qu'il fait, mais si c'est la seule façon pour lui de faire face, alors pourquoi pas. Pendant plusieurs semaines rien ne se produit, la vie ayant retrouvé son cours. Personne ne parle de ce qui s'est passé, et tout va pour le mieux. Mais près d'un moins après sa première visite, le mystérieux client refait son apparition, demandant la même chose, et tout comme la fois précédente, sa demande est accompagnée d'une belle somme que le propriétaire accepte de bon cœur. Et comme la fois d'avant Kirian se réveille dans un lit vide et couvert de bleu. Ce n'est pas que l'homme prenne particulièrement plaisir à frapper Kirian, mais c'est le seul moyen de faire obéir l'adolescent qui refuse de se laisser faire. Et pendant près d'une année, la deuxième semaine de chaque mois, l'homme revient demandant après Kirian, et chaque mois l'adolescent passe une longue et douloureuse nuit avec lui.

1993
Et puis un jour, peu après ses 16 ans, Kirian se réveille sans bleus sur le corps. Bien sûr il a des marques, mais rien de douloureux, car pour la première fois Kirian ne s'est pas débattu, il s'est laissé faire, enfant docile entre les mains de l'homme. C'est ainsi que Kirian a comprit qu'il n'y avait pas que dans la douleur dans un acte sexuel, qu'il pourrait même apprendre à aimer ça, s'il continuait à se laisser faire. C'est ce que l'autre n'avait cessé de lui répéter, mais jusqu'à présent il n'y avait jamais prêté attention, trop concentré sur sa colère, pour vraiment écouter ce qu'on avait à lui dire. A partir de ce jour, Kirian se laissa faire, l'adolescent apprenant comment faire plaisir à son seul et unique 'client' et chaque visite se révéla un peu plus longue que la précédente, jusqu'à ce que l'homme passe carrément plusieurs jours en sa compagnie, les deux quittant rarement leur chambre. Le propriétaire, bien entendu se réjouit de ces visites qui lui apportent autant d'argent que le travail de tout un mois. Mais les mères de Kirian sont loin d'être touchées par le même enthousiasme, se rendant bien compte des changements de leur fils. Leur enfant avait perdu cette innocence, cette naïveté qu'il avait on ne sait comment réussit à sauvegarder dans un tel endroit. Bien sûr, il était toujours aussi attentif envers elles, n'hésitant pas à se mettre en quatre pour leur faire plaisir, mais cette petite lueur qui brillait dans ses yeux avait définitivement disparue.

1994
Kirian va avoir 17 ans dans deux jours et Stephan - après avoir enfin accepté la situation Kirian a enfin appris le nom de celui a qui il tenait compagnie - vient d'arriver. Kirian ne sait comment mais celui-ci a apprit que c'était son anniversaire et veut lui offrir quelque chose. Bien qu'au départ Kirian refuse, disant que ce n'est pas nécessaire, Stephan insiste, demandant au jeune homme ce qu'il veut. L'adolescent finit par accepter et déclare vouloir un tatouage, sans vraiment savoir lequel ni où il se situerait. Il demande alors à Stephan de choisir pour lui, puisque c'est lui qui payerait et que de toute façon l'ado n'avait pas vraiment d'idée. C'est ainsi que le lendemain les mères de Kirian le voient marqué au visage d'un étrange symbole dont personne ne connait la signification, mais dont tous sont d'accord pour dire qu'il n'enlève rien au charme du jeune homme et au contraire ajoute à son coté mystérieux. Même si l'une de ses mère lui fait une crise pour avoir tatoué son visage, Kirian lui est plutôt satisfait du résultat. Au moins, maintenant il serait regardé de travers pour quelque chose qu'il aurait choisit de lui même - enfin presque, mais au moins ce serait quelque chose qu'il aurait voulu - et non pas seulement à cause de son apparence, léguée par un père qu'il ne connaîtrait probablement jamais.

1995
La vie continue sans réel changement pour Kirian qui travaille toujours dans la maison close, près de ses mères, ponctué des visites mensuelles de Stephan. Mais voila qu'un beau jour Stephan ne vient pas. A sa place un messager porteur de deux lettres, l'une pour Kirian, l'autre pour le propriétaire de l'établissement. Celle de Kirian est assez simple, Stephan lui explique qu'il ne peut plus venir, ses affaires ne lui permettant plus de quitter son pays, mais qu'il ne peut résoudre à laisser le jeune homme dans un tel endroit. Jusque là le propriétaire et Stephan avait un accord qui faisait que Kirian lui était réservé et au vu de la somme qu'il payait personne ne s'en était jamais plaint, mais maintenant qu'il ne pouvait plus se permettre ce genre d'escapades, Kirian perdrait son statut 'privilégié' et se retrouverait dans la même situation que celles qu'il considérait comme ses mères. Et cela Stephan ne pouvait l'accepter. Son messager avait donc remis une lettre au gérant de l'établissement lui demandant de lui céder Kirian pour une belle somme d'argent qu'il serait peu enclin à décliner.

Kirian refuse de partir, préférant rester avec ses mères, même si cela signifie travailler comme hôte pour d'autres clients - bien que l'idée ne le réjouit guère. Mais ses mères voient bien que c'est une bonne opportunité pour lui de sortir de ce milieu qui n'est réellement pas fait pour lui, et que malgré leurs débuts assez difficiles, Kirian sera sûrement mieux traîté chez Stephan que dans cet établissement. Alors à force de cajoleries et de persuasion, les femmes arrivent à faire accepter la situation à Kirian. C'est ainsi que le jeune homme, à à peine 18 ans quitte pour la première fois cet établissement qu'il a toujours connu, laissant derrière lui sa seule famille, mais avec la promesse de toujours s'écrire et de ne pas s'oublier.

Le voyage pour rejoindre Stephan est long et prendra plusieurs jours. Kirian et son chaperon doivent passer par l'arrière pays, et au bout de plusieurs heures de routes se perdent. Les routes dans cette partie du pays sont à peine entretenues, et les panneaux de signalisation trop rares. Après plusieurs heures à tourner en rond à la recherche d'une quelconque indication, un village se profile enfin à l'horizon. Bizarrement celui-ci n'est indiqué nulle part, enfin, peut-être trouveront-ils quelqu'un qui pourra leur indiquer le bon chemin à prendre.

Malheureusement Kirian ne sait pas encore dans quelle situation catastrophique, cela va le conduire. Schwartzwald, puisque tel est le nom de cette ville est loin d'être le meilleur endroit pour faire une halte.